CEPALC : Serge Letchimy s'exprime au nom de la France

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La Martinique et la Guadeloupe ont été admises formellement comme membres associés de la CEPALC ce vendredi 31 août 2012. Ci-dessous le discours prononcé par Serge Letchimy :

 
Au nom de la délégation Française, permettez-moi de saluer les personnalités éminentes et les chefs de délégations qui, à l'occasion de la 34ème session de la CEPALC, se trouvent parmi nous. Votre présence témoigne du rayonnement qu'a su acquérir cette commission au cours de ces dernières années, et par là-même, de la reconnaissance du travail extraordinaire qui est mené par sa secrétaire exécutive, Mme Alicia Barcena Ibarra, et bien entendu l'ensemble de ses collaborateurs. Qu'ils en soient tous infiniment remerciés. 
 
Je voudrais aussi remercier le gouvernement de la République du Salvador qui nous accueille si chaleureusement. J'en profite pour féliciter chaleureusement les îles Bermudes et Curaçao qui, tout comme nous, ont introduit leurs demandes  d’adhésion en qualité de membres associés à cette commission. Je ne peux que leur souhaiter bonne chance. 
 
Maintenant si vous me le permettez, j'aimerais vous parler d'une émotion particulière. J'éprouve à cet instant le sentiment d'un voyageur qui a connu bien des espaces du monde, et qui aujourd'hui, ici et maintenant, serait revenu à la maison. 
 
Nos pays, la Martinique et la Guadeloupe, terres, des petites Antilles ont vu naître ces visionnaires considérables que furent le poète Aimé Césaire, père de la Négritude et Frantz Fanon qui a donné sa vie pour la dignité des peuples du Sud. En cela, ils appartiennent à la même génération de grands écrivains comme: Garcia Marquez, Octavio Paz et Derek Walcott. Ces hommes avaient très vite compris que la construction de la reconnaissance mutuelle des peuples et de leur amitié était la force la plus puissante pour transformer le monde. C'est ici l'essence même de notre démarche. 
 
Nos histoires, nos luttes ont créé un champ institutionnel et politique complexe de relations. C'est du fait de cette complexité que je peux, ici, aujourd'hui, m'adresser à vous, à la fois au nom de la France, et au nom de cette collectivité régionale que constitue la Martinique. Nous représentons cette unité et cette diversité qui ne s'opposent pas, mais qui au contraire donnent l'exemple d'un partenariat au sein de la République française, fondé sur le respect mutuel, et sur le respect de nos identités, donc de nos différences. 
 
La France n'est pas une Nation enfermée dans sa géographie et le corset de ses frontières. Elle entretient par ailleurs, des partenariats très variés avec de nombreux peuples de par le monde. Et, la France est plus que jamais soucieuse du développement partagé de l'Amérique latine et des pays de la Caraïbe. Elle cultive l'idée que l'échange, puisse se faire sans encombres. C'est pourquoi, dans ses dernières dispositions législatives, les collectivités d'Outre-mer ont obtenu le droit de participer pleinement à des politiques de développement régionales. 
 
La Martinique et la Guadeloupe ouvrent aujourd'hui, une ère nouvelle, l'ère d'une diplomatie territorialisée et au-delà,  l'ère dune nouvelle diplomatie économique. C'est ce qu'affirmait hier Monsieur Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères lors de la conférences des ambassadeurs à Paris. 
 
Notre demande d'adhésion à la CEPALC et à l'OECS constitue une étape, nous entamons d'ores et déjà les négociations avec la CARICOM et l'AEC. Nous vivons cela comme un grand moment, un moment historique. Car, bien au-delà des nécessités économiques et sociales, il y a dans notre démarche, une dimension proprement affective. Mais si votre institution accepte notre adhésion, au delà de l'affection partagée, c'est aussi un champ élargi et nouveau, de coopération sudsud qui s'ouvre à nous. 
 
Le moment est venu de comprendre que cette fraternité géographique, surtout culturelle et identitaire, est le meilleur  terreau qui soit pour accompagner l'internationalisation indispensable de nos politiques de développement. Le monde dans lequel nous vivons est un monde d'interdépendances. La tâche de notre génération est d'associer ce qui peut l'être, de relier ce qui s'est dissocié, de rallier ce qui s'est éloigné, d'ajouter à la richesse commune tout ce que l'on a soustrait !  Cette demande d'adhésion exprime aussi une grande volonté du peuple Martiniquais et Guadeloupéen, de s'inscrire dans une réappropriation collective de leur propre géographie. 
 
Concernant la CEPALC, la France a toujours accordé  une attention particulière à ses travaux. Sa présence y est constante, elle sera par l'adhésion de la Martinique et de la Guadeloupe renforcée. La réforme structurelle profonde à laquelle vous nous invitez, un changement structurel pour l'égalité, thème central de cette session, participe d'une logique de développement où l'environnement, la solidarité, l'égalité, les valeurs humaines, se retrouvent au cœur de la question du développement. 
 
Nous nous retrouvons parfaitement dans vos propositions et dans vos analyses : l'amplification de la coopération sud-sud, la réduction des inégalités, la lutte contre toutes les précarités et les misères, la question de la jeunesse et de la formation ambitieuse, la prévention des risques naturels, la valorisation de la mer des Caraïbes, la promotion des énergies renouvelables, la gestion des déchets, la sécurité alimentaire, la protection et la valorisation de notre biodiversité, les enjeux de la médecine douce et de nos pharmacopées traditionnelles, les mutations du climat, l'indispensable mobilisation des innovations biotechnologiques, des sciences et des techniques nouvelles.  Nous rêvons d'un commerce international caribéen et d'Amérique latine. J'ajouterai la question de la culture, de l'éducation et celle du désenclavement aérien et maritime notamment dans la caraïbe. 
 
Le renforcement de notre insertion régionale s'inscrit aussi dans une dynamique souhaitée par l'Union européenne, notamment pour les régions ultra périphériques que nous sommes et qui  constituent les frontières externes éloignées de l'Europe. Une nouvelle politique de grand voisinage dans notre zone passe par l'harmonisation des politiques d'investissement, dans le cadre de l'utilisation des fonds 
européens pour la caraïbe et l'Amérique latine. 
 
Mais, Cette nouvelle ère n'est possible que si nos peuples, dans une fraternité retrouvée, prennent conscience de leur appartenance à un ensemble riche de diversité et d'identité, la Caraïbe et l'Amérique latine, un potentiel capable d'ouvrir les perspectives d'une nouvelle démocratie économique pour lutter contre les précarités humaines qui nous minent. C'est a nous de concevoir et de réussir cette nouvelle espérance. 
 
Serge Letchimy 
 
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