Et si nous adaptions notre réglementation pour relancer l’activité de plaisance ?

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Le Livre Bleu publié par Contact-Entreprises et Martinique Développement a mis en exergue l’immense potentiel de la mer comme source de développement économique pour notre île. Ouvrir la Martinique sur la mer, et en saisir toutes les opportunités qui nous échappent aujourd’hui (au profit de nos voisins), c’est un défi qui doit nous mobiliser tous. Parmi ces opportunités ratées, l’activité de plaisance, qui avec une réglementation adaptée, nous redonnerait de l’attractivité et contribuerait fortement à l’accroissement de notre PIB. C’est le point de vue développé ici par Douglas RAPIER, Président de MYA (Martinique Yachting Association). Les solutions sont sur la table. Il n’y a plus qu’à décider, et vite. C’est d’ailleurs ce que vient de faire la Guadeloupe…

REMPORTER LE DÉFI DE LA PLAISANCE DE PASSAGE GRACE A UNE RÉGLEMENTATION RÉFLÉCHIE !

Les bateaux de plaisance sont naturellement libres du choix de leurs destinations. Dès lors les escales situées dans l’arc caraïbe rivalisent de séduction et de moyens pour les attirer vers leurs infrastructures portuaires. Depuis de longues années il n’est pas excessif de parler de véritables guerres économiques pratiquées ici ou là au travers de fiscalités préférentielles.

À cela une raison très simple : ces bateaux apportent de manière directe et indirecte de nombreuses retombées économiques. Cette situation engendre une augmentation significative de l’activité économique non seulement des ports et des mouillages qui les reçoivent mais aussi des sites limitrophes, touristiques et économiques qui bénéficient de la présence sur terre des équipages de ces bateaux.

Dès lors il est clair qu’ils sont naturellement attirés par les destinations dotées d’une fiscalité avantageuse !

  • Trop de Taxes   X   Peu de bateaux = Peu de Taxes Collectées !
  • Taxes Acceptées   X   Beaucoup de bateaux = De nombreuses Taxes Collectées !

Quelques données de nos îles concurrentes :

  • Sint Maarten : Yachting 12,6% de son PIB – Hotels et restaurants 9,5% de son PIB
  • La Grenade : Impact du yachting à 130M EC$ soit 4 fois plus que l’impact de la croisière à 30M EC$ !
  • St. Kitts : Annonce au salon de Monaco en sept 2014 d’une nouvelle marina pour les yachts professionnels (la grande plaisance) – voir www.christopheharbour.com

Aujourd’hui plus qu’hier, le rejet d’une fiscalité omniprésente conduit les personnes qui en ont les moyens à chercher à éviter la pression fiscale dès qu’ils le peuvent. C’est presque devenu un jeu « branché » !

La magie du « Duty Free » opère son charme dans le monde entier et ce faisant remplit les caisses des états qui savent utiliser ce véritable filon !

Il ne s’agit pas de philanthropie mais bien d’une fiscalité réfléchie ! Car une fois attirée sur place cette clientèle d’un genre nouveau, et dont l’effectif grandit de jours en jours, dépense d’autant plus volontiers qu’elle a le sentiment d’être considérée. Reste que cela constitue un afflux supplémentaire de taxes et d’impôts !

De retour dans leur pays, ces visiteurs évoquent avec nostalgie le « charme » du pays-hôte, ce qui a pour effet d’en attirer d’autres !

Nos voisins l’ont bien compris et la floraison des politiques du « Hors Taxes » fait qu’aujourd’hui les DOM se singularisent par une posture commerciale dissuasive. Ce constat s’impose, et il nous paraît primordial, voir vital pour cette filière de procéder à des adaptations d’une législation quelques fois éloignée des réalités économiques concurrentielles propres à cette région.

Force est de constater aujourd’hui que cette clientèle s’arrête de moins en moins en Martinique ou en Guadeloupe. Du coup, nous ne tirons aucun profit ni taxes de ces bateaux qui ne viennent plus. Cette dissuasion n’est pas compensée par notre attractivité, qu’elle soit culturelle, médicale, touristique. La « French Touch » d’accord, mais pas à n’importe quel prix !

Plus grave encore, les bateaux de plaisance que nous avions dans le cadre d’activités professionnelles telle que la location de bateaux, ou le charter ont quitté nos îles ! Rien que sur le Port du Marin, nous sommes passés en 10 ans de 550 unités à la location et au charter à peine à 280 aujourd’hui. Or nous savons tous que la présence des professionnels du service, de l’entretien, des infrastructures de levage, de la distribution des produits spécialisés, est liée au fond de commerce que représente l’activité des bateaux professionnels. Si nous avions besoin d’une preuve de ce que nous avançons, il suffit de regarder ce qui s’est passé à la Marina Bas du Fort en Guadeloupe dans les années 90/95 où on a pu observer le départ des professionnels du charter et de la location au profit d’autres îles, ce qui a complètement plombé une activité économique florissante en moins de 3 ans ! Il est urgent de compenser ces « pertes » par l’arrivée d’une nouvelle clientèle, la clientèle des bateaux de passage, quelle que soit leur taille.

Si les choses restaient en l’état, il serait à craindre que l’on assiste à terme à une diminution drastique des collectes fiscales en relation avec la fréquentation de nos îles par la grande et moyenne plaisance, et du coup, des revenus de toute la filière !

Que nous reste-t-il à faire ? En priorité et de toute urgence :

  1. TVA ZERO SUR TOUS LES CHARTERS.

Dérogation pour les DOM à la directive du 15/7/2013 exigeant de la TVA sur tout Charter sur la période de passage dans les eaux territoriales de la France. Sans ceci tout client souhaitant se rendre à la Martinique devrait acquitter de la TVA pro rata temporis de son séjour or bien entendu il n’y a aucune taxe pour visiter les autres îles de la Caraïbe.

  • STATUT : La Direction de la Législation Française reconnait que cette directive est contre les doctrines fondamentales car elle exclut la possibilité pour nos entreprises d’être compétitives dans notre région en Hors Taxe pour ces navires. Le décret modifié a été écrit.
  • DEMANDE : Le soutien du Président du Conseil Régional auprès du Ministère de l’Économie pour sortir le décret.
  1. CARBURANT EN DETAXE POUR TOUTE LA PLAISANCE EN ESCALE.

Avec 0.40€/litre de différence entre le HT et le TTC, tous les navires escalent ailleurs pour s’approvisionner. Sainte-Lucie souhaite même importer notre gazole produit à la SARA de qualité européenne pour le vendre aux navires sur place car nous leur refusons la possibilité de se servir ici à la Martinique en HT !

  • STATUT : Demande déposée auprès du Conseil Régional en septembre 2012.
  • La Guadeloupe a compris ! Le Conseil Régional a publié sa délibération Nr 14-580 du 14/07/2014 accordant la détaxe aux yachts en escale.
  • En Martinique, le Conseil Régional n’a pas encore réagi !
  1. RENDRE UN VISA SCHENGEN SUFFISANT POUR FAIRE DU TOURISME DANS LES DOM.

En effet, lors de la visite du Président Sarkozy en janvier 2011, l’objectif de faire sauter cette barrière, incompréhensible pour le reste du monde, était clairement affiché. Cependant une fois le décret (du 28/07/2011) promulgué, l’objectif fut amendé du fait qu’une ambassade d’un pays de la sphère Schengen n’aurait pas l’autorité légale pour donner le droit de visiter un territoire français hors l’espace Schengen !

Conséquence pratique : les personnes se trouvant dans ce cas de figure, une fois à Orly ou Roissy, découvrent que, pourtant détenteurs d’un visa valable pour la France, ils ne peuvent embarquer à bord d’un avion à destination des DOM. Cette situation ubuesque leur étant présentée tout de go et sous la forme caricaturale suivante :

« Madame, Monsieur, soit vous pouvez rester en France et visiter la Tour Eiffel, les châteaux de la Loire, l’Aiguille du Midi, Le Mont St Michel, les parcs nationaux, le Musée du Louvre, la Côte d’Azur, St Tropez, voire à certaines périodes de l’année le Palais de l’Elysée…, soit vous retournez dans votre pays d’origine pour vous faire délivrer un nouveau visa DOM (DFA). Et si vous ne pouvez vous permettre cette démarche supplémentaire et inutilement onéreuse, et que vous souhaitiez tout de même prendre des vacances au soleil, il vous reste la possibilité de prendre un avion à destination d’une autre île dans les Caraïbes qui vous accueillera à bras ouverts !.. » !

Est-ce avec un tel message qu’on compte « Bâtir un Paradis Touristique » dans les caraïbes françaises ? Vous pouvez aisément imaginer ce qu’en pensent les hommes d’affaires habitués à voyager à longueur d’année en Europe tout comme d’ailleurs n’importe quel touriste qui parcours le monde ?

  • STATUT : Demande pour cette dérogation faites en mars 2014 auprès du Ministère de l’Intérieur.
  • DEMANDE : Le Soutien du Président du Conseil Régional auprès des Ministères de Tourisme et de l’Intérieur.

Certes nos îles connaissent des régimes sociaux qui n’ont rien à envier à leurs voisines notamment sur le plan de l’attractivité et de la générosité de notre « système social français ».

Pour autant il faut que la collecte des fonds nécessaires au fonctionnement de ce système s’opère de façon efficace. Or dans le cas de la plaisance il convient de ne pas dissuader nos clients de venir « commercer » avec nous. Notre arsenal réglementaire ne doit pas s’ériger en obstacle au bon sens.

Pour autant notre démarche n’est pas d’encourager qui que ce soit à se soustraire au paiement des taxes qui sont dues dans les DOM. Notre but est de remporter le défi de l’attractivité pour la plaisance de passage et de faire bénéficier nos îles de la croissance telle qu’il devrait être possible de la voir réapparaître d’ici peu du fait de la reprise (notamment s’agissant de nos contrées dans la sphère américaine).

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