Lettre ouverte aux parlementaires EELV : "nous avons la banane la plus propre et la plus sociale du monde"

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Suite à la publication par les euro-députés d’Europe Ecologie-Les Verts d’une tribune sur la banane antillaise présentée comme « empoisonnée », les professionnels de la banane de Guadeloupe et de Martinique répliquent avec une « lettre ouverte aux parlementaires EELV » :

On doit à ceux que l’on respecte les rudesses de la vérité. Concernant notre banane antillaise, vous avez introduit la ligne droite dans ce qu’il y a de plus complexe, au risque de vous tromper, ce que vous faites du reste avec candeur, mais ce qu’il ne vous est pas permis de faire, ayant revêtu les grandes charges de la République.

Vos critiques vont et viennent au dessus de nous, avec quelque chose d’inexorable dans l’indifférence parce que, peut être, n’êtes-vous pas suffisamment instruits des problèmes qui se posent à nous.

La législation européenne prévoit et accorde des dérogations à l’interdiction de traiter par voie aérienne, uniquement quand les conditions sont réunies (c’est une transposition d’une directive du Parlement et du Conseil européen).

Aujourd’hui, nous devons affronter la cercosporiose noire, et excepté la voie aérienne, aucune technique n’est suffisamment efficace pour protéger nos cultures de cette maladie foliaire du bananier, particulièrement virulente, qui n’a pas atteint dans nos régions, son plus haut potentiel de développement, et qui alors aurait comme effet la disparition complète de nos plantations en quelques semaines, à défaut d’un traitement ad hoc.

De plus, cette maladie de quarantaine est soumise à des mesures de lutte obligatoire et permanente (arrêté ministériel du 31 juillet 2000). Les dérogations qui nous sont accordées tiennent donc compte de cette réalité, dans un cadre strictement légal.

De la responsabilité

Mesdames et Messieurs les députés, vous alertez l’opinion sur l’usage de « produits toxiques… dispersés de manière incontrôlable », mais qui peut croire à une telle fiction ?

Quel mobile nous pousserait à faire une chose aussi irresponsable ? Au contraire, toutes nos activités sont évaluées et contrôlées par la DGAL, le ministère de l’Agriculture et l’Anses, agence agréée par l’Etat, dont l’expertise ne fait pas débat.

Sachez, pour répondre à votre titre totalement diffamant « la banane antillaise empoisonnée ? … », que nous nous imposons un plan de contrôles et d’analyses hebdomadaire particulièrement strict, renforcé par les certifications ISO 9001 et IFS (International Food Standard), qui garantit au consommateur une banane irréprochable.

Pour le : « Produits dispersés de manière incontrôlable », nous vous rappelons qu’un système GPS coupe automatiquement le traitement au dessus des zones interdites au traitement aérien (ZITA), rendant impossible les « dispersions » auxquelles vous faites allusion.

Oserons-nous vous demander pourquoi vous prenez comme pierre de touche, dans votre tribune, une étude américaine qui ne concerne pas le traitement aérien ? Par surcroît, les produits retrouvés par l’étude que vous pointez, et qui concerne l’agriculture californienne, ne sont pas utilisés et autorisés dans la production de banane française et européenne.

Une banane durable

Vous évoquez les pays latino-américains et vous nous comparez à eux, mais nos dissemblances sont manifestes et innombrables. Nous avons l’agriculture tropicale, française et européenne, la plus propre et la plus sociale du monde ; et nous sommes d’autant plus fondés à cette affirmation, qu’elle repose sur des actes concrets.

Aussi, en tant que députés écologistes, nous aurions mieux aimé vous voir mêler diligence et humeur belligérante, face à l’arrivée massive, dans l’espace européen, de productions sud-américaines qui ne respectent aucunes des règles qui nous sont imposées, aussi bien sur le plan social que sur le plan environnemental.

Attachés à leurs terres, à leur région, les producteurs de Guadeloupe et de Martinique, se sont depuis dix ans lancés le défi de développer la meilleure production du monde en matière d’environnement, de conditions sociales et de contribution au développement de l’économie locale.

Ainsi, la mise en œuvre du Plan banane durable Caraïbe, la création de l’IT2 (Institut technique tropical) en 2008, et une collaboration étroite avec le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et avec l’Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture), illustrent notre détermination à renforcer nos engagements pour une agriculture durable.

Ce n’est pas tout, la lutte intégrée dont l’utilisation des pièges à charançons, l’implantation des plantes de couvertures, ou encore la technique de l’effeuillage sanitaire, sont autant de pratiques qui participent à la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires.

A cet égard, les planteurs de Guadeloupe et de Martinique peuvent être fiers d’être en avance sur les objectifs du plan ecophyto 2018, ayant déjà atteint une diminution de l’usage des pesticides de 75% (contre 50% attendu).

En outre, nous travaillons depuis longtemps sur l’axe de la recherche variétale et nos chercheurs ont créé une variété hybride de banane résistante (non OGM), la Fhlorban 925. Cette banane présente encore un comportement atypique au mûrissage, la rendant difficile à commercialiser, mais nous n’avons jamais été aussi près du but, et il s’agit d’un réel espoir d’avenir pour la filière.

Une banane sociale

Mesdames et messieurs les députés, vous souhaitez que soient protégés les emplois locaux, sachez que la filière banane représente 10 000 emplois dans la région, dont 90% de CDI dans une logique d’accompagnement et de formation sur près de trente métiers différents.

Tous ceux de nos élus qui ont pris la peine de se pencher sur nos travaux et sur les progrès accomplis en sont d’ailleurs fiers.

Comment expliquer que la réalité soit, à ce point, en décalage avec vos affirmations, vos croyances ? Si promptement exposées dans cette tribune du 19 juillet.

Peut-être que, dans ce débat, le romanesque a pris le pas sur le rationnel, mettant ainsi en péril l’essentiel.

Que proposez-vous pour les milliers d’employés de la banane et pour les centaines de producteurs que vous envoyez au chômage ? Que proposez-vous pour les 10 000 hectares qui seraient alors abandonnés par cette activité ? Que proposez-vous aux milliers d’agriculteurs de nos îles qui, depuis plusieurs années se sont engagés dans l’agriculture durable mais qui savent, eux parce qu’ils ont les pieds sur terre, qu’ils sont en climat tropical humide ?

Enfin, vous vous faites un religieux devoir de faire vivre une illusion, celle du colonialisme rémanent, « la perduration de ce système de nature coloniale » ; Cet œil de faucon, toujours fixé sur l’Etat ; mais là encore ! Quel mobile conduirait nos gouvernants à voir en nous des français ou des européens différents des autres ? N’avons-nous pas dépassé ce stade ?

Nous vous invitons à dialoguer avec nous, à vous intéresser mieux que cela à notre travail, à venir sur le terrain, nous rencontrer afin de mieux appréhender nos réalités.

Nous pouvons avoir des désaccords, mais il ne s’ensuit pas de toute nécessité que nous restions dans l’affrontement.

Nous vous prions d’agréer, mesdames et messieurs les députés, l’expression de notre très haute considération.

L’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN)

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