Point de conjoncture : la Martinique au ralenti !

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Vendredi 23 septembre, à l’initiative de Contact-Entreprises, s’est tenue une réunion « point de conjoncture » autour de Pierre-Yves le BIHAN, directeur de l’IEDOM et des principaux représentants des secteurs économiques martiniquais.

Selon le CEROM, la Martinique connait une croissance faible expliquée par une demande intérieure stable.

En 2015, le produit intérieur brut (PIB) martiniquais affiche une augmentation annuelle de 0,4% en volume, après le rebond de 1,8% en 2014. Cette hausse est de 1,9% en Guadeloupe et en Guyane et de 1,3% en France entière.

En dépit de la faiblesse de l’inflation liée à la chute des prix des produits pétroliers (– 8,8%) et de l’amélioration du marché du travail (baisse du chômage de 0,5 point par rapport à 2014), la baisse et le vieillissement de la population freinent la progression de la consommation des ménages (+ 0,2%).

Le tassement de la demande se traduit par le maintient du chiffre d’affaires des hypermarchés (– 0,3%), le ralentissement des importations de biens de consommation et la hausse modérée de la consommation de produits alimentaires. Cependant, les crédits à la consommation affichent une bonne tenue (+ 9,7%), comme les immatriculations de véhicules particuliers neufs (+ 14,2%), qui reflètent le dynamisme du marché automobile.

Les échanges extérieurs augmentent en volume mais diminuent en valeur. L’investissement est quasiment constant en volume (+ 0,6%), après avoir augmenté de 4,5% en 2014. Les importations de biens d’investissement à destination de l’ensemble des agents économiques sont en hausse de 17,4% en valeur. Les dépenses publiques diminuent de 0,5%, après avoir augmenté de 1,5% en volume en 2014. Le tourisme se revigore grâce aux dépenses des croisiéristes sur le territoire. Les dépenses touristiques augmentent ainsi de 2,8% au total.

Compte-rendu des échanges entre les acteurs économique et l’IEDOM

Pierre-Yves le BIHAN dresse un état des lieux de la situation conjoncturelle de la Martinique conforme à la synthèse du CEROM.

L’indicateur du climat des affaires est en baisse constante sur les trois premiers trimestres 2016. Cette baisse reflète notamment un certain découragement des chefs d’entreprises face aux lenteurs administratives qui freinent les projets. A l’incertitude générale des marchés s’ajoutent les difficultés liées à la mise en place opérationnelle des services de la nouvelle collectivité territoriale.

Pourtant, selon Pierre-Yves le BIHAN, les grands fondamentaux économiques de la Martinique ne sont pas si mauvais, révélant une économie plutôt résistante, capable de rebond positif : l’inflation est quasi nulle, le taux de chômage bien qu’élevé, est le plus bas des Outre-mer et poursuit sa baisse tendancielle. Les importations progressent et les exportations se maintiennent grâce au dynamisme de la banane et du rhum. La consommation des ménages stagne. Mais si le volume de consommation des produits alimentaires se maintient, les ménages accentuent leurs arbitrages en faveurs des produits discount et réduisent la valeur de leurs paniers moyens.

Le marché de l’automobile est en croissance de 8% sur les 9 premiers mois de 2016 et se rapproche enfin des volumes d’avant 2009. Cette croissance provient essentiellement des particuliers. En revanche les immatriculations de véhicules d’entreprises ne décollent pas, traduisant le manque de visibilité des investisseurs.

Le tourisme a connu un très bon début de saison, toutes les planètes étant enfin alignées pour servir ce secteur : Martinique destination refuge dans un contexte mondial instable, ouverture de nouvelles lignes aériennes, climat favorable, succès de la croisière… Le trafic des voyageurs a augmenté en faveur des solutions alternatives à la grande hôtellerie. L’offre d’accueil poursuit en effet sa mutation au profit des meublés de tourisme et de la plaisance, les chambres d’hôtel étant pour leur part de moins en moins occupées. Mais ce bon démarrage a connu un retournement brutal de tendance à cause de la mauvaise gestion nationale de la « crise Zika » : depuis la fin du 1er trimestre 2016 l’activité touristique est en chute de 30%, entrainant des destructions d’emplois ! Pour autant les acteurs du tourisme continuent de miser sur une stratégie d’offre de proximité haut-de-gamme symbolisée notamment par l’ouverture de deux locomotives hôtelières emblématiques : le Simon Hôtel à Fort-de-France et le French Coco à Trinité.

Si la tempête Matthew n’avait pas traversé la Martinique, le secteur de la banane aurait connu une année porteuse avec une production en hausse de plus de 5% et des prix de vente qui s’étaient maintenus jusqu’à présent sur le marché national. Les efforts de la filière, tant sur le plan agricole que marketing portent leurs fruits. (NB : la tempête survenue entre temps est venue casser brutalement cette dynamique, en détruisant les plantations de l’île et en balayant les prévisions de croissance). En dehors des aléas climatiques auxquels est soumis ce secteur, un point d’inquiétude préoccupe les exploitants : la situation des dossiers de financement européens. Les fonds FEADER sont en effet bloqués depuis trois ans, ce qui engendrera le gel des investissements en 2017. Ce sont 320 dossiers FEADER en instruction qui sont en attente. Si ces dossiers ne sont pas rapidement instruits et validés, ce sont plus de 50 millions d’euros qui ne pourront pas être totalement investis dans l’économie locale, privant ainsi d’activité de nombreux professionnels du BTP. Car il faut rappeler que ces fonds servent à développer les équipements des exploitations agricoles et ouvrent mécaniquement des marchés pour les artisans locaux : agrandissement de hangars, aménagement des traces… Autre sujet d’inquiétude : la difficulté de recruter de la main d’œuvre locale. Etrange paradoxe dune filière d’excellence qui ne parvient pas à recruter des collaborateurs sur un territoire rongé par le chômage !

Le secteur du BTP est à l’agonie ! La commande publique est à l’arrêt. Les investissements privés qui devraient résulter des projets financés par les Fonds Européens sont gelés. Les ventes de ciment continuent de chuter traduisant directement l’effondrement des marchés. Faute d’activités, l’emploi disparait et les tensions sociales se ravivent. Ici encore c’est la gestion des fonds européens qui est pointée du doigt : le carburant financier de ces fonds n’est pas mis en circulation, et c’est tout le système économique qui est grippé, et en premier lieu le secteur du BTP qui n’attend qu’un chose : que la commande de chantiers arrive !

En résumé, la situation économique est partiellement bloquée par des défaillances publiques qui désespèrent les porteurs de projets privés. L’esprit d’entreprise et l’envie d’investir sont bien là, et ça c’est encourageant. Mais cette énergie est contrariée par les trop grandes lenteurs administratives liées notamment à l’instruction des dossiers des Fonds Européens, difficultés qui n’excluent désormais plus des risques de dégagement d’office de ces crédits.

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