Projet de loi LUREL sur la régulation économique : Contact-Entreprises donne son avis

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Le Conseil Général a souhaité recueillir l'avis de Contact-Entreprises à propos du projet de loi "contre la vie chère" porté par Victorin LUREL. Mercredi 5 septembre, nous lui avons exprimé notre position par courrier, dont nous voici le texte : 

 

Madame la Présidente,

Vous avez bien voulu solliciter l’avis de notre organisation sur le projet de loi relatif à la régulation économique et je vous en remercie.

En préalable, nous tenons à affirmer que les entreprises martiniquaises souffrent tout particulièrement du problème de la « vie chère ». Elles évoluent en effet dans un environnement économique rendu difficile, notamment en raison de la cherté de tous les produits et services indispensables à leur fonctionnement, quelle que soient leur taille, leur secteur ou leur localisation. 

Par ailleurs, la crise sociale de février 2009 déclenchée par la problématique de la « vie chère » a affaibli considérablement l’ensemble des entreprises martiniquaises quand elle n'a pas été la cause directe de la disparition d’un nombre considérable d’entre elles. 

Ce qui précède explique pourquoi Contact-Entreprises ne peut être qu’en accord avec l’ambition affirmée du Gouvernement de s’attaquer aux causes structurelles de ce phénomène. 

Encore faut-il que cette recherche de solutions concerne l’ensemble des facteurs expliquant le niveau élevé des prix, et engage tous les partenaires : entreprises, Etat et collectivités. Or force est de constater que le projet de loi veut réduire à une cause unique la cherté de la vie outre-mer : l’existence supposée de monopoles et d’oligopoles dans les DOM. Or il n'y a objectivement pas plus de situation de monopole en Martinique que dans la plupart des régions de France hexagonale. Ainsi par exemple, dans la grande distribution alimentaire plus particulièrement visée par le projet de loi, la concurrence est vive puisque 5 groupes se disputent le marché de façon globalement équilibrée.

Le projet de loi stigmatise ainsi le monde économique ultra marin et plus particulièrement le secteur de la distribution en postulant que les marges pratiquées par les distributeurs sont importantes alors que dans la réalité, celles-ci ne sont pas supérieures à celles pratiquées dans l’hexagone. 

Il est d’ailleurs bon de rappeler qu’il n’existe pas une « vérité » sur le prix des produits : ainsi par exemple, au sein de l’Union Européenne, l’échelle des prix alimentaires va de 52 à 154 (l’indice moyen étant de 100). Pour la Martinique, en prenant comme référence le panier de consommation local, l’écart des prix des produits alimentaires avec la France hexagonale est de 14% (INSEE juillet 2010).

Il est bon de rappeler également que depuis 20 ans, toujours selon l’INSEE, la part accordée à l’alimentation a considérablement diminué dans le budget des ménages martiniquais, passant de 28% en 1985 à 15% en 2010 (source enquête de comparaison spatiale de prix de 2010, INSEE). Le développement des hypermarchés explique en partie cette évolution.

Contact-Entreprises déplore qu’un texte gouvernemental contribue ainsi à dégrader l’image de l’entreprise en Martinique et vienne alimenter un certain nombre de fantasmes. 

Nous tenons donc à rappeler à cette occasion quelques faits relatifs au secteur de la distribution en Martinique.

Celui-ci est notamment un employeur de premier plan. Le commerce représente en effet une part importante du secteur marchand employant en outre plus de salariés que dans l’hexagone. L’indice de spécificité économique calculé par l’INSEE montre que pour 100 emplois salariés dans le commerce de détail dans les régions françaises, il en existe 110 en Martinique (contre 75 en Ile de France par exemple). Il est également à noter que le personnel salarié de la grande distribution est majoritairement jeune et, qu’à l’heure où le chômage touche en Martinique plus de 60% des jeunes de moins de 25 ans, la grande distribution a montré son engagement en faveur de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes au travers d’initiatives comme le Diplôme Universitaire de Manager de Rayon mis en place avec l’UAG. 

Mais les métiers du commerce ne se limitent pas à la grande distribution alimentaire. Ils touchent de nombreux secteurs et constituent l'essentiel du tissu économique et de l'emploi privé en Martinique. Ils mobilisent plusieurs milliers d'entrepreneurs martiniquais. Ces derniers sont tous confrontés à d'immenses difficultés structurelles et conjoncturelles. Plus que jamais ils ont besoin de signaux positifs pour maintenir leurs activités. Or force est de constater qu'en désignant les entreprises comme les principales responsables de la vie chère en Outre-mer, le projet de loi est par essence clivant, stigmatisant et décourageant.

Le parti pris du projet de loi l’amène d’autre part à proposer dans son article 5, de doter l’Autorité de la Concurrence d’un pouvoir d’injonction structurelle, qui peut la conduire à exiger d’une entreprise en position dominante des cessions de magasins à des enseignes concurrentes, quand bien même aucun abus ni irrégularité n’aurait été constaté dans l’acquisition et l’usage de cette position.

Sur ce point, Contact-Entreprises ne peut que se ranger à l’avis des différentes organisations patronales qui estiment ce dispositif à la fois juridiquement inutile, contraire à notre ordre constitutionnel et dangereux économiquement. 

Enfin, Contact-Entreprises note que les organisations professionnelles se sont toutes penchées sur ce dossier et ont formulé des propositions concrètes pour lutter contre la vie chère. Il a par exemple été proposé de mettre en une liste de produits de première nécessité sur laquelle tous les partenaires concernés pourraient faire des efforts pour contribuer ensemble à la baisse des prix.  Malheureusement, il ne semble pas que ces propositions aient été examinées par les concepteurs du projet de loi. 

Contact-Entreprises souhaite donc, que dans la nouvelle phase de concertation qui s’ouvre après la validation du projet de loi par le conseil des ministres, les solutions proposées par les acteurs économiques fassent l’objet d’un examen approfondi et que les plus pertinentes soient reprises dans le texte final. 

Telles sont, Madame la Présidente, les observations de Contact-Entreprises sur le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer.

Je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma haute considération.

Emmanuel de REYNAL, Président 

 

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